Qu’est-ce que la taxonomie verte européenne ?

Blandine Rochelle
Partager sur
FacebookTwitterLinkedin

Depuis quelques années, l'Union européenne s'efforce de faire évoluer son économie vers un modèle plus durable, en ligne avec les Accords de Paris et son objectif de neutralité carbone d’ici 2050. Au cœur de cette transformation se trouve la taxonomie verte européenne, un système de classification des activités économiques basé sur leur impact environnemental. Ce cadre réglementaire vise à orienter les flux d'investissements vers des activités jugées durables, afin d'accélérer la transition écologique du continent.

Image
La taxonomie verte européenne est un système de classification des activités économiques basé sur leur impact environnemental. © samuel howell - Getty images
La taxonomie verte européenne est un système de classification des activités économiques basé sur leur impact environnemental. © samuel howell - Getty images
Sommaire

La genèse de la taxonomie verte européenne

La taxonomie verte est née d’un constat simple : pour atteindre les objectifs climatiques et environnementaux de l’UE, il est essentiel de canaliser les investissements privés vers des activités économiques respectueuses de l'environnement. En 2018, dans le cadre de son plan d'action pour une finance durable, la Commission européenne a initié la création d'une classification précise des activités vertes. Cette initiative a abouti en 2020 avec l'adoption du Règlement « Taxonomie », devenu un texte fondateur du Pacte vert pour l’Europe, le plan de l'UE visant à rendre l'économie européenne durable.

La taxonomie verte ne se limite pas à la simple réduction des émissions de gaz à effet de serre. Elle couvre un ensemble d'objectifs environnementaux plus larges, et son principal rôle est d'aider les investisseurs à identifier les activités les plus respectueuses de l'environnement. La mise en place de ce cadre s'accompagne également d'une obligation de transparence accrue pour les entreprises, qui doivent désormais publier des informations sur la durabilité de leurs activités.

Qui est concerné par la taxonomie verte ?

Trois grands types d'acteurs sont concernés par la taxonomie verte européenne :

  1. Les entreprises - Depuis 2022, les entreprises soumises à la publication d'une Déclaration de Performance Extra-Financière (DPEF) doivent inclure des indicateurs de durabilité liés à la taxonomie. Depuis le 1er janvier 2024, avec l'entrée en vigueur de la Directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), environ 50 000 sociétés sont soumises à cette obligation, contre 11 000 auparavant. Ces entreprises doivent démontrer dans quelle mesure leurs activités sont alignées avec les critères environnementaux fixés par la taxonomie.
  2. Les acteurs financiers - Les banques, fonds d'investissements et compagnies d'assurances doivent également se conformer aux exigences de la taxonomie en matière de transparence. Ils sont tenus de démontrer la durabilité de leurs investissements et d'aligner leurs portefeuilles avec les objectifs environnementaux définis par l'UE.
  3. Les États membres et l'UE - La taxonomie verte sert de cadre de référence pour les normes et labels relatifs aux produits financiers verts, comme les obligations vertes (green bonds). Elle permet aussi d'établir des mesures publiques favorisant les investissements dans des projets alignés avec les objectifs environnementaux de l'UE.

Les six objectifs environnementaux de la taxonomie

Pour qu'une activité soit classée comme durable, elle doit contribuer de manière substantielle à au moins un des six objectifs environnementaux suivants définis par la taxonomie verte :

  1. Atténuation du changement climatique. Il s'agit de réduire les émissions de GES et de favoriser les énergies renouvelables ou les technologies bas-carbone.
  2. Adaptation au changement climatique. Les activités doivent contribuer à renforcer la résilience face aux impacts du changement climatique, comme les infrastructures résistantes aux inondations.
  3. Utilisation durable et protection des ressources aquatiques et marines. Ce critère s’applique aux activités qui préservent les écosystèmes marins et aquatiques, comme la pêche durable ou la gestion des ressources hydriques.
  4. Transition vers une économie circulaire. L'objectif ici est de minimiser la production de déchets et de promouvoir le recyclage et la réutilisation des matériaux.
  5. Contrôle de la pollution. Ce critère concerne les activités visant à réduire la pollution de l'air, de l'eau ou du sol.
  6. Protection et restauration de la biodiversité et des écosystèmes. Les activités doivent préserver et restaurer les habitats naturels, la faune et la flore.

La taxonomie verte concerne des secteurs d’activités économiques aussi vastes que : la sylviculture, l’industrie manufacturière, la restauration et la protection de l’environnement, la gestion de l’eau et des déchets, la construction et l’immobilier, l’information et la communication, la finance et l’assurance, la science et la technique, l’enseignement et les sciences humaines et actions sociales.

Le principe du « Do no significant harm »

Pour qu'une activité soit considérée comme durable au sens de la taxonomie, elle ne doit pas seulement contribuer à un ou plusieurs de ces six objectifs. Elle doit également respecter le principe du « Do no significant harm » (ne pas causer de préjudice significatif) aux autres objectifs. Par exemple, une activité qui réduit les émissions de GES mais pollue massivement l’eau ne pourra pas être classée comme durable.

De plus, les entreprises doivent respecter les normes sociales minimales fixées par les conventions internationales, notamment les droits de l'Homme et les conventions de l'Organisation internationale du Travail (OIT).

L'inclusion du gaz et du nucléaire : une décision controversée

En mars 2020, le groupe d'experts chargé par la Commission européenne, le Technical Expert Group, a publié ses recommandations initiales, excluant le gaz et le nucléaire de la taxonomie verte. Cependant, après deux ans de débats, la Commission européenne a adopté en février 2022 un acte délégué incluant finalement ces deux sources d'énergie dans la classification.

Cette inclusion est justifiée par le rôle que le gaz et le nucléaire peuvent jouer dans la transition vers les énergies renouvelables et la neutralité climatique. Le gaz, par exemple, est considéré comme une source d'énergie transitoire, tandis que le nucléaire est vu comme une énergie bas-carbone pouvant aider à stabiliser la production d'électricité. Cependant, des conditions strictes encadrent cette inclusion, notamment des garanties concernant le traitement des déchets nucléaires et la construction de nouvelles installations avant 2045.

L’impact de la taxonomie sur les entreprises et les investisseurs

Pour les entreprises, la taxonomie verte européenne représente à la fois un défi et une opportunité. D'un côté, elle impose une transparence accrue sur les pratiques environnementales, ce qui peut entraîner des coûts supplémentaires pour s'assurer que leurs activités respectent les critères de durabilité. D'un autre côté, elle offre un cadre clair pour attirer les investissements verts et valoriser leur engagement envers la transition écologique.

En 2024, quatre nouveaux objectifs environnementaux sont venus s'ajouter aux reportings obligatoires des entreprises, renforçant ainsi la surveillance et l'alignement de leurs activités avec les enjeux écologiques mondiaux.

Pour les investisseurs, la taxonomie verte fournit un langage commun pour évaluer les risques et opportunités liés à la durabilité. Elle permet de s'assurer que les investissements réalisés sont en phase avec les objectifs climatiques de l'UE, évitant ainsi le greenwashing.

S’aligner sur la taxonomie verte garantit à l’entreprise de pouvoir afficher un plan de transition chiffré et rythmé dans le temps, en vue d’obtenir du CA « vert ». Cela favorise la capacité à capter des investissements verts.

Cet article vous a été utile ?
0
0

Pouvez-vous nous préciser pourquoi ? (facultatif)

Partager sur
FacebookTwitterLinkedin
Ces articles peuvent vous intéresser
Image
Taxe sur les bureaux IDF
Juridique
La taxe sur les bureaux est un impôt local présent en Île-de-France. Qui est concerné ? Pour quel...
A la une !